samedi 31 mars 2012

Illimitée

La grève étudiante en est maintenant à sa quatrième semaine. Au Québec, on a bien l’habitude de ces interminables grèves . Après un certain temps, les journaux exercent même une certaine pudeur; pourquoi en parler car il est bien évident que les étudiants, qui ont sûrement raison au niveau de l’émotion, vont la ‘perdre’.

Contrastons maintenant avec le grand boum politique de la semaine: l’âge légal de la retraite - et les pensions de veillesse - vont passer à 67 ans. C’est épouvantable et inévitable. Cette mesure, par contre, ne soulèvera pas de contestation. Tout ça va entrer en vigueur en 2023, bien graduellement. Pourquoi pas de grabuge? Pour le dire cyniquement, parce que c’est en même temps l’annonce que cette mesure ne touchera pas la génération actuelle des proches retraités.

Et on entrevoit ici le fond de vérité de la situation: pas que le cynicisme politique des feds, mais l’intelligence de cette approche. Les questions financières de cet ordre doivent se penser sur le long terme, on a besoin voir venir au niveau individuel et social. Il va falloir planifier ses finances autrement; il va falloir accepter la présence des aînés dans la vie économique plus longtemps. Ce genre d’ajustement ne se fait pas du jour au lendemain. En fait, ça ne peut se faire que sur le long terme.

Retournons à nos pauvres étudiants. Dans les faits, ils ne sont pas si pauvres que cela car les statistiques le prouvent, 70% des étudiants au niveau CEGEP jobinent, avec un vingt heures de travail par semaine, et le programme des bourses et prêts les soutient. MAIS, on vient de leur tomber dessus, et pas seulement sur eux mais sur leurs parents épuisés et sur les générations futures d’étudiants qu’ils représentent et soutiennent. MAIS, du jour au lendemain à part ça. MAIS, ils saturent actuellement le marché des petites jobs et le savent. D’autant plus que le CEGEP ressemble plutôt au secondaire pour vieux ados pour le niveau de l’équipement qu’il offre. La café dans le vieux gymnase, c’est pas Harvard, hein? La gratuité scolaire au Québec, comme en France, ça pourrait se faire, non? Éléments d’une confrontation tragique, tout ça.

Du côté du gouvernement, tout aussi coincé. On a pas augmenté la scolarité depuis des lustres mais on n’a jamais dit qu’on le ferait. On l’impose bêtement, juste au moment où les petits issus de la réforme Legault amorcent le post-secondaire. Donc, auxiliairement, on fait de la provocation politique. Remarquons que le ministre Flaherty, qui fait une annonce pour 2023, joue des les plate-bandes de ce qui sera sans doute un gouvernement non-conservateur. ‘On est des adultes, le probème est là, il faut en tenir compte’, semble-t-il dire. Pas vraiment gentil de sa part, en passant. Car c’est loin d’être évident que, même si on vit plus vieux en santé, on sera apte au travail plus longtemps. Ça vous plaît l’idée d’un chirugien-dentiste avec des trous de mémoire?

Monsieur - tout - le - monde, dans ses mauvais moments, semble s’amuser de l’idée que les étudianrs font la grève. Ils ne font pas grand chose au CEGEP, de toute façon. De fait, c’est tragiquement grave là aussi, car le CEGEP est un entraînement à bosser du cerveau tous les jours. C’est difficile, on a mal à la tête, on s’ennuie, on veut s’échapper. L’entraînement au devenir professionnel est moral.

La grande tentation du gouvernement sera sans doute d’évoquer l’éternel argument que
le Québec doit s’aligner sur les provinces anglophones pour ne pas sombrer dans Dieu sait quel marasme. En principe, c’est faux et l’invoquer à tout venant, sans le prouver pour le cas qui nous intéresse, relève du gazouillement politique.

Si le ministre Flaherty va faire accepter sa mesure, c’est que celle-ci respecte la psychologie sociale de la situation. Mais il faut le diplôme pour l’apprécier. Il n’est pas prêt de faire le tour des garderies d’Ottawa pour expliquer sa position.

Bref, il va falloir trancher car nos étudiants bon enfant ne peuvent, en toute logique, s’en sortir par eux-mêmes.

mardi 20 mars 2012